Les côtes n’étaient rien. Lointaines, rongées tour à tour par le soleil et la respiration des eaux, elles semblaient ne jamais vouloir s’approcher du bateau. Ce fleuve au dos musclé et bossué, aux courants et aux remous énormes, était une mer entre deux continents. Ses matins s’étiraient parfois jusqu’à l’heure du jour où un vaste déchirement de bleu balayait l’immensité d’un ciel d’une surprenante transparence. Même dans les pays du Sud où il avait vécu, Bisontin ne se souvenait point d’une telle luminosité, d’une semblable pureté. Parfois, prenant de la force et de l’ampleur, le vent aux larges ailes se mettait à chanter. Les voiles s’enflaient. Des ordres sonnaient, bien vite perdus sur l’eau, appels dérisoires qui n’atteindraient jamais les rivages.
    Les terres s’enfuyaient à mesure que l’on remontait le courant. Avec un peu d’angoisse, le compagnon se demandait parfois si le sol, en ce Nouveau-Monde, n’était pas inaccessible aux hommes.